A Mireille
dit " Petit Verglas "
Poème de Paul Fort.
Ne tremblez pas, mais je dois le dire elle fut assassinée
au couteau par un fichu mauvais garçon, dans sa chambre,
là-bas derrière le Panthéon, rue Descartes,
où mourut Paul Verlaine.
O ! oui, je l'ai bien aimée ma petite " Petit
Verglas " à moi si bonne et si douce et si triste.
Pourquoi sa tristesse ? Je ne l'avais pas deviné,
je ne pouvais pas le deviner.
Non, je l'ai su après tu me l'avais caché que ton
père était mort sur l'échafaud, Petit Verglas !
J'aurais bien dû le comprendre à tes sourires.
J'aurais dû le deviner à tes petits yeux, battus
de sang, à ton bleu regard indéfinissable, papillotant
et plein de retenue.
Et moi qui avais toujours l'air de te dire " Mademoiselle,
voulez-vous partager ma statue ? " Ah ! J'aurais
dû comprendre à tes sourires, tes yeux bleus battus
et plein de retenue.
Et je t'appelais comme ça, le Petit Verglas, que c'est
bête un poète ! O petite chair transie !
Moi, je l'ai su après que ton père était
mort ainsi...
Pardonne-moi, Petit Verglas. Volez, les anges !