L'amandier
J'avais l'plus bel amandier
Du quartier,
Et, pour la bouche gourmande
Des filles du monde entier,
J'faisais pousser des amandes :
Le beau, le joli métier !
Un écureuil en jupon,
Dans un bond,
Vint me dir' : « Je suis gourmande
Et mes lèvres sentent bon,
Et, si tu m'donn's une amande,
J'te donne un baiser fripon !
- Grimpe aussi haut que tu veux,
Que tu peux,
Et tu croqu's, et tu picores,
Puis tu grignot's, et puis tu
Redescends plus vite encore
Me donner le baiser dû ! »
Quand la belle eut tout rongé,
Tout mangé...
« Je te paierai, me dit-elle,
A pleine bouche quand les
Nigauds seront pourvus d'ailes
Et que tu sauras voler !
« Mont' m'embrasser si tu veux,
Si tu peux...
Mais dis-toi que, si tu tombes,
J' n'aurais pas la larme à l'oeil
Dis-toi que, si tu succombes,
Je n' porterai pas le deuil ! »
Les avait, bien entendu,
Toutes mordues,
Tout's grignoté's, mes amandes,
Ma récolte était perdue,
Mais sa joli' bouch' gourmande
En baisers m'a tout rendu !
Et la fête dura tant
Qu'le beau temps...
Mais vint l'automne, et la foudre,
Et la pluie, et les autans
Ont change mon arbre en poudre...
Et mon amour en mêm' temps !