Comme à Ostende

Jean-Roger Caussimon

On voyait les chevaux d'la mer
Qui fonçaient la têt' la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert.
La barmaid avait dix-huit ans
Et moi qui suis vieux comm' l'hiver,
Au lieu d'me noyer dans un verr',
Je m'suis baladé dans l'printemps
De ses yeux taillés en amande.

Ni gris ni verts, ni gris ni verts,
Comme à Ostende et comm' partout,
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile,
Et puis surtout si ça vaut l'coup,
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie,

J'suis parti vers ma destinée,
Mais voilà qu'une odeur de bière,
De frites et de moul's marinières
M'attir' dans un estaminet.
Là y'avait des typ's qui buvaient,
Des rigolos, des tout rougeauds,
Qui s'esclaffaient, qui parlaient haut,
Et la bière on vous la servait
Bien avant qu'on en redemande.

Oui ça pleuvait, oui ça pleuvait
Comme à Ostende et comm' partout,
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile,
Et puis surtout si ça vaut l'coup,
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie.

On est allé, bras d'ssus, bras d'ssous
Dans l'quartier où y'a des vitrines
Remplies de présenc's féminines
Qu'on veut s'payer quand on est saoul,
Mais voilà que tout au bout d'la rue
Est arrivé un limonair'
Avec un vieil air du tonnerr'
A vous fair' chialer tant et plus
Si bien que tous les gars d'la bande

Se sont perdus, se sont perdus
Comme à Ostende et comm' partout,
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile,
Et puis surtout si ça vaut l'coup,
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie.