L'esclave

Dans un harem byzantin
Où, pour trouver le paradis,
Je m'étais déguisé en chien,
Une esclave m'a dit :

« Moi je voudrais des perles lourdes,
Des perles noires, des émaux,
Être muette et presque sourde
Pour que tu me berces de mots,

Des mots qui ressemblent à la mer,
Des mots où l'on voit à travers,
Des mots d'amertume et d'amour,
Des mots tendres et des mots lourds.

Moi, je voudrais des chambres pleines
Où je m'étendrais toute nue,
Cerclée de chiennes et de chaînes,
Buvant des boissons inconnues,

Des boissons de vie et de mort,
Des coupes pleines à ras bord
Où poser mes lèvres mouillées.
Sur des sofas, agenouillée,

Moi je voudrais un noir esclave
Au dents blanches fortes et cruelles
Qui partagerait mes entraves
Et qui m'emmènerait au ciel.

Dans la moite langueur du soir,
Moi toute blanche et lui tout noir,
Il mordrait mon corps en rampant
Avec des lenteurs de serpent.

Moi je voudrais être une fille
Qu'on épuiserait de plaisir,
Derrière des vitres et des grilles,
Jusqu'à dormir, jusqu'à mourir.

Sous mes paupières violacées,
Tu vois je n'ai qu'une pensée :
Être une femme, pour de vrai,
Une vraie femme, s'il te plait.