La montagne

Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés.
Depuis longtemps ils en rêvaient,
De la ville et de ses secrets,
Du formica et du ciné.
Les vieux, ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient, machinal,
D'un revers de manche, les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tome de chèvre.

Pourtant, que la montagne est belle !
Comment peut-on s'imaginer,
En voyant un vol d'hirondelles,
Que l'automne vient d'arriver ?

Avec leurs mains dessus leurs têtes,
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline.
Qu'importent les jours, les années ?
Ils avaient tous l'âme bien née,
Noueuse comme un pied de vigne.
Les vignes, elles courent dans la forêt.
Le vin ne sera plus tiré.
C'était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus savoir qu'en faire,
S'il ne vous tournait pas la tête.

Pourtant, que la montagne est belle !
Comment peut-on s'imaginer,
En voyant un vol d'hirondelles,
Que l'automne vient d'arriver ?

Deux chèvres et puis quelques moutons,
Une année bonne et l'autre non
Et sans vacances et sans sorties,
Les filles veulent aller au bal,
Il n'y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie.
Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires,
De quoi attendre sans s'en faire
Que l'heure de la retraite sonne.
Il faut savoir ce que l'on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones.

Pourtant, que la montagne est belle !
Comment peut-on s'imaginer,
En voyant un vol d'hirondelles,
Que l'automne vient d'arriver ?