Pauvre Rutebeuf

Léo Ferré
(1955)

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été trop clairsemés,
Je crois. Le vent les a ôtés.
L'amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.

Avec le temps qu'arbre défeuille,
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre,
Avec pauvreté qui m'atterre,
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver.
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quell' manière.

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été trop clairsemés,
Je crois. Le vent les a ôtés.
L'amour est morte.
Le mal ne sait pas seul venir.
Tout ce qui m'était à venir
M'est avenu.

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente.
Le vent me vient. Le vent m'évente.
L'amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
L'espérance de lendemain,
Ce sont mes fêtes.